Mais hélas! juillet fait sa gerbe;
L’été, lentement effacé,
Tombe feuille à feuille dans l’herbe
Et jour à jour dans le passé.
Puis octobre perd sa dorure;
Et les bois dans les lointains bleus
Couvrent de leur rousse fourrure
L’épaule des coteaux frileux.
L’hiver des nuages sans nombre
Sort, et chasse l’été du ciel,
Pareil au temps, ce faucheur sombre
Qui suit le semeur éternel!
Le pauvre alors s’effraie te prie.
L’hiver, hélas! c’est Dieu qui dort;
C’est la faim livide et maigrie
Qui tremble auprès du foyer mort!
Il croit voir une main de marbre
Qui, mutilant le jour obscur,
Retire tous les fruits de l’arbre
Et tout les rayons d’azur.
Il pleure, la nature est morte!
O rude hiver! ô dure loi!
Soudain un ange ouvre sa porte
Et dit en souriant: C’est moi!
Cet ange qui donne et tremble,
C’est l’aumône aux yeux de douceur,
Au front crédule, et qui ressemble
A la foi dont elle est la soeur!
Je suis la Charité, l’amie
Qui se réveille avant le jour,
Quand la nature est rendormie,
Et que dieu m’a dit: A ton tour!
"Je viens visiter ta chaumière
Veuve de l’été si charmant!
Je suis fille de la prière.
J’ai des mains qu’on ouvre aisément.
"J’accours, car la saison est dure,
j’accours, car l’indigent a froid"
J’accours, car la tiède verdure
Ne fait plus d’ombre sur le toit!
"je prie, et jamais je n’ordonne.
Chère à tout homme quel qu’il soit,
Je laisse la joie à qui donne
Et je l’apporte à qui reçoit."
O figure auguste et modeste,
Où le Seigneur mêla pour nous
Ce que l’ange a de plus céleste,
Ce que la femme a de plus doux!
Au lit du vieillard solitaire
Elle penche un front gracieux,
et rien n’est plus beau sur la terre
Et rien n’est plus grand sous les cieux,
Lorsque, réchauffant leurs poitrines
Entre ses genoux triomphants,
Elle tient dans ses mains divines
Les pieds nus des petits enfants!
Elle va dans chaque masure,
Laissant au pauvre réjoui
Le vin, le pain frais, l’huile pure,
Et le courage épanoui!
Et le feu! le beau feu folâtre,
A la pourpre ardente pareil,
Qui fait qu’amené devant l’âtre
L’aveugle croit rire au soleil!
Puis elle cherche au coin des bornes,
Transis par la froide vapeur,
Ces enfants qu’on voit nus et mornes
Et se mourant avec stupeur.
Oh! voilà surtout ceux qu’elle aime!
Faibles fronts dans l’ombre engloutis!
Parés d’un triple diadème,
Innocents, pauvres et petits!
Ils sont meilleurs que nous ne sommes!
Elle leur donne en même temps,
Avec le pain qu’il faut aux hommes,
Le baiser qu’il faut aux enfants!
Tandis que leur faim secourue
Mange ce pain de pleurs noyé,
Elle étend sur eux dans la rue
Son bras de passants coudoyé.
Et si, le front dans la lumière,
Un riche passe en ce moment,
Par le bord de sa robe altière
Elle le tire doucement!
Puis pour eux elle prie encore
La grande foule au coeur étroit,
La foule qui, dès qu’on l’implore,
S’en va comme l’eau qui décroît!
"- Oh! malheureux celui qui chante
Un chant joyeux, peut-être impur,
Pendant que la bise méchante
Mord un pauvre enfant sous son mur!
Oh! la chose triste et fatale,
Lorsque chez le riche hautain
Un grand feu tremble dans la salle,
Reflété par un grand festin,
De voir, quand l’orgie enrouée
Dans la pourpre s’égaie et rit,
A peine une toile trouée
Sur les membres de Jésus-Christ!
Oh! donnez-moi pour que je donne!
J’ai des oiseaux nus dans mon nid.
Donnez, méchants, Dieu vous pardonne!
Donnez, ô bons, Dieu vous bénit!
Heureux ceux que mon zèle enflamme!
Qui donne au pauvres prête à Dieu.
Le bien qu’on fait parfume l’âme;
On s’en souvient toujours un peu!
Le soir, au seuil de sa demeure,
Heureux celui qui sait encor
Ramasser un enfant qui pleure,
Comme un avare un sequin d’or!
Le vrai trésor rempli de charmes,
C’est un groupe pour vous priant
D’enfants qu’on a trouvés en larmes
Et qu’on a laissés souriant!
Les biens que je donne à qui m’aime,
Jamais Dieu ne les retira.
L’or que sur le pauvre je sème
Pour le riche au ciel germera!"