Quand l’été vient, le pauvre adore!
L’été, c’est la saison de feu,
C’est l’air tiède et la fraîche aurore;
L’été, c’est le regard de Dieu.
L’été, la nuit bleue et profonde
S’accouple au jour limpide et claire;
Le soir est d’or, la plaine est blonde;
On entend des chansons dans l’air.
L’été, la nature éveillée
Partout se répand en tous sens,
Sur l’arbre en épaisse feuillée,
Sur l’homme en bienfaits caressants.
Tout ombrage alors semble dire:
Voyageur, viens te reposer!
Elle met dans l’aube un sourire,
Elle met dans l’onde un baiser.
Elle cache et recouvre d’ombre,
Loin du monde sourd et moqueur,
Une lyre dans le bois sombre,
Une oreille dans notre coeur!
Elle donne vie et pensée
Aux pauvres de l’hiver sauvés,
Du soleil à pleine croisée,
Et le ciel pur qui dit: Vivez!
Sur les chaumières dédaignées
Par les maîtres et les valets,
Joyeuse, elle jette à poignées
Les fleurs qu’elle vend aux palais.
Son luxe aux pauvres seuils s’étale.
Ni les parfums ni les rayons
N’ont peur, dans leur candeur royale,
De se salir à des haillons.
Sur un toit où l’herbe frissonne
Le jasmin veut bien se poser.
Le lys ne méprise personne,
Lui qui pourrait tout mépriser!
Alors la masure où la mousse
Sur l’humble chaume a débordé
Montre avec une fierté douce
Son vieux mur de roses brodé.
L’aube alors de clartés baignée,
Entrant dans le réduit profond,
Dore la toile d’araignée
Entre les poutres du plafond.
Alors l’âme du pauvre est pleine.
Humble, il bénit ce Dieu lointain
Dont il sent la céleste haleine
Dans tous les souffles du matin!
L’air le réchauffe et le pénètre.
Il fête le printemps vainqueur.
Un oiseau chante à sa fenêtre,
La gaîté chante dans son coeur!
Alors, si l’orphelin s’éveille,
Sans toit, sans mère et priant Dieu,
Une voix lui dit à l’oreille:
"Eh bien! viens sous mon dôme bleu!
Le Louvre est égal aux chaumières
Sous ma coupole de saphirs.
Viens sous mon ciel plein de lumières,
Viens sous mon ciel plein de zéphirs!
J’ai connu ton père et ta mère
Dans leurs bons et leurs mauvais jours.
Pour eux la vie était amère,
Mais moi je fut douce toujours.
C’est moi qui sur leur sépulture
Ai mis l’herbe qui la défend.
Viens, je suis la grande nature!
Je suis l’aïeule, et toi l’enfant.
Viens, j’ai des fruits d’or, j’ai des roses,
J’en remplirai tes petits bras,
Je te dirai de douces choses,
Et peut-être tu souriras!
Car je voudrais te voir sourire,
Pauvre enfant si triste et si beau!
Et puis tout bas j’irais le dire
A ta mère dans son tombeau!"
Et l’enfant à cette voix tendre,
De la vie oubliant le poids,
Rêve et se hâte de descendre
Le long des coteaux dans les bois.
Là du plaisir tout a la forme;
L’arbre a des fruits, l’herbe a des fleurs;
Il entend dans le chêne énorme
Rire les oiseaux querelleurs.
Dans l’onde, il mire son visage;
Tout lui parle; adieu son ennui!
Le buisson l’arrête au passage,
Et le caillou joue avec lui.
Le soir, point d’hôtesse cruelle
Qui l’accueille d’un front hagard.
Il trouve l’étoile si belle
Qu’il s’endort à son doux regard!
— Oh! qu’en dormant rien ne t’oppresse!
Dieu sera là pour ton réveil!-
La lune vient qui le caresse
Plus doucement que le soleil.
Car elle a de plus molles trêves
Pour nos travaux et nos douleurs.
Elle fait éclore nos rêves,
Lui ne fait naître que les fleurs!
Oh! quand la fauvette dérobe
Son nid sous les rameaux penchants,
Lorsqu’au soleil séchant sa robe
Mai tout mouillé rit dans les champs
J’ai souvent pensé dans mes veilles
Que la nature au front sacré
Dédiait tout bas ses merveilles
A ceux qui l’hiver ont pleuré!
Pour tous et pour le méchant même
Elle est bonne, Dieu le permet,
Dieu le veut, mais surtout elle aime
Le pauvre que Jésus aimait!
Toujours sereine et pacifique,
Elle offre à l’auguste indigent
Des dons de reine magnifique,
Des soins d’esclave intelligent!
A-t-il faim? au fruit de la branche
Elle dit: — Tombe, ô fruit vermeil!
A-t-il soif? — Que l’onde s’épanche!
A-t-il froid? — Lève-toi, soleil!