Mais, hélas! hélas! dit l’histoire,
Bien souvent le passé couvre plus d’un secret
Dont sur un mur vieilli la tache reparaît!
Toute ancienne muraille est noire!
Souvent, par le désert et par l’ombre absorbé,
L’édifice déchu ressemble au roi tombé.
Plus de gloire où n’est plus la foule!
Rome est humiliée et Venise est en deuil.
La ruine de tout commence par l’orgueil;
C’est le premier fronton qui croule!
Athène est triste, et cache au front du Parthénon
Les traces de l’Anglais et celles du canon,
Et, pleurant ses tours mutilées,
Rêve à l’artiste grec qui versa de sa main
Quelque chose de beau comme un sourire humain
Sur le profil des propylées!
Thèbe a des temples morts où rampe en serpentant
La vipère au front plat, au regard éclatant,
Autour de la colonne torse;
Et, seul, quelque grand aigle habite en souverain
Les piliers de Rhamsès d’où les lames d’airain
S’en vont comme une vieille écorce!
Dans les débris de Gur, pleins du cri des hiboux,
Le tigre en marchant ploie et casse les bambous,
D’où s’envole le vautour chauve,
Et la lionne au pied d’un mur mystérieux
Met le groupe inquiet des lionceaux sans yeux
Qui fouillent sous son ventre fauve.
La morne Palenquè gît dans les marais verts.
A peine entre ses blocs d’herbe haute couverts
Entend-on le lézard qui bouge.
Ses murs sont obstrués d’arbres au fruit vermeil
Où volent, tout moirés par l’ombre et le soleil,
De beaux oiseaux de cuivre rouge!
Muette en la douleur, Jumièges gravement
Etouffe un triste écho sous son portail normand,
Et laisse chanter sur ses tombes
Tous ces nids dans ses tours abrités et couvés
D’où le souffle du soir fait sur les noirs pavés
Neiger des plumes de colombes!
Comme une mère sombre, et qui, dans sa fierté,
Cache sous son manteau son enfant souffleté,
L’Egypte au bord du Nil assise
Dans sa robe de sable enfonce enveloppés
Ses colosses camards à la face frappés
Par le pied brutal de Cambyse.
C’est que toujours les ans contiennent quelque affront.
Toute ruine, hélas! pleure et penche le front!